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Juil 03

Google Ads, Marques et Noms de Communes

Google Adwords, devenu Google Ads est un programme crée par Google en 2000 qui permet de créer des annonces, des bannières publicitaires ou des annonces vidéos pour les diffuser sur internet de manière ciblée, soit en fonction des mots clés tapés par l’utilisateur, soit en fonction de son comportement de navigation.

Le TGI de Paris défini ce système en ces termes :

« La société Google propose un système de référencement payant permettant à l’exploitant d’un site de faire exploiter par GOOGLE un lien hypertexte dit « commercial » dont il détermine lui-même les caractéristiques. L’affichage de ce lien hypertexte à l’occasion de la sélection d’un mot clé, sur les pages de résultats du moteur de recherche non payant GOOGLE permet aux utilisateurs d’être renvoyé sur le site par un clic sur le dit lien[1].

Au cours de la procédure de souscription à ce système de référencement, l’annonceur est invité à saisir le texte de son annonce dans des cases prévues à cet effet et à choisir des mots clés permettant l’affichage du lien commercial.

L’annonceur peut choisir ces mots par lui-même ou à l’aide d’un programme de GOOGLE lui proposant une liste de mots clés pertinents par rapport à ses produits et au texte de l’annonce, liste parmi laquelle figurent des noms communs, des noms de marques, des dénominations sociales, des enseignes etc.

La page web de souscription indique « Google Ads offre la possibilité de créer les annonces et de choisir les mots clefs qui aident à cibler la clientèle)« .

En adhérant au programme Google Ads l’annonceur achète des liens sponsorisés qui apparaissent sur les pages de résultats du moteur de recherche.

Le programme Ads fonctionne au « coût par clic » ou CPC (les annonceurs payent chaque fois qu’un internaute clique sur leur lien), au « coût par actions » ou CPA ou au « coûp par mille » basé sur le nombres d’impressions.

Le prix est déterminé par un système d’enchère et de qualité : plus le prix au clic est élevé et plus l’annonce est pertinente pour l’utilisateur, plus l’annonce est en évidence.

Une étude menée par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) pour l’agence AdWords Ad’s up en Juin 2013 a démontré que plus de la moitié des internautes qui effectuent des recherches sur Google cliquent sur les liens sponsorisés Google Ads (52%), contre 48% pour les résultats naturels.

Seules 10% des personnes qui utilisent Google ne cliquent jamais sur les annonces Ads.[2]

S’est alors posée la question de l’utilisation de la marque d’autrui à titre de mot clef dans un système de référencement.

L’usage de la marque d’autrui comme mot clé dans le cadre d’un service de référencement :

Sur le terrain de la contrefaçon :

Certains titulaires de marques ont tenté de saisir le juge sur le terrain de l’action en contrefaçon contre la société Google.

La jurisprudence européenne considère que titulaire d’une marque peut en effet agir dans tous les cas où l’usage du signe porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, tant essentielles que complémentaires.

« Parmi ces fonctions figurent non seulement la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service, mais également les autres fonctions de celle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d’investissement ou de publicité[3] »

La cour considère qu’il y aura « atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers[4] ».

A l’occasion d’un litige, la Cour de cassation a saisi d’une question préjudicielle la Cour de justice de l’Union Européenne qui a rendu une décision le 23 mars 2010 précisant les contours légaux de la pratique des liens sponsorisés[5].

La CJUE opère alors une distinction entre la situation de l’annonceur et celle du prestataire de service de référencement.

D’une part, s’agissant du prestataire de service, la Cour de justice a estimé que « le prestataire d’un service de référencement sur Internet qui stocke en tant que mot-clé un signe identique à une marque et organise l’affichage d’annonces à partir de celui-ci, n’en fait pas un usage assimilable à celui d’une marque, et ne commet par conséquent pas d’acte de contrefaçon ;

Elle a considéré que Google ne fait pas un usage des marques litigieuses dans le cadre de sa propre communication commerciale, selon elle. Il ne chercherait pas à utiliser une marque pour identifier un produit ou service.

Le prestataire d’un service de référencement pourrait cependant voir sa responsabilité engagée s’il a joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des informations transmises ou stockées ».

L’activité de référencement ne permettrait donc pas dans les circonstances concernées, d’engager la responsabilité du prestataire, en tout cas sur le fondement du droit des marques.

La cour de cassation en a déduit que ne commettait pas une contrefaçon au sens des articles L. 731-2 et L. 731-3 du code de la propriété intellectuelle le prestataire de service de référencement qui se borne à stocker des mots-clés et afficher les annonces.

D’autre part, s’agissant de l’annonceur, elle considère que « le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot-clé identique à ladite marque que l’annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ».

Pour la CJUE, l’annonceur ne commet pas d’acte de contrefaçon par le seul fait de réserver un mot clé correspondant à une marque.

L’atteinte à la marque dépendra de la manière dont l’annonce est rédigée, les juges du fond devant apprécier souverainement si la rédaction est de nature à induire le consommateur en erreur.

Dans l’arrêt précité du 8 juillet 2010, la cour a estimé que « le titulaire d’une marque n’est pas habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique ou similaire à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour la revente de produits d’occasion mis initialement dans le commerce dans l’EEE sous cette marque par le titulaire de cette dernière ou avec son consentement ».

Le TGI de Nanterre s’est également prononcé en considérant que l’achat d’un mot clé représentant une marque ne constitue pas une contrefaçon si l’annonce qu’il déclenche est de nature à permettre à « l’internaute normalement informé et moyennement attentif d’établir qu’il n’existe pas de lien commercial ou juridique entre le site internet de l’annonceur et celui du titulaire de la marque[6] ».

Récemment, la 3ème chambre du TGI de Paris le 08 mars 2018 a estimé qu’il ne saurait y avoir de confusion par association entre une marque déposée et l’usage d’un mot clé identique à celle-ci dans le cadre d’un service en ligne de publicité.

Par conséquent, le titulaire d’une marque n’est pas habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité permet à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce incriminée ne proviennent pas du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci mais proviennent d’un tiers.

Sur le terrain du parasitisme, de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses :

La jurisprudence interne admet la possibilité de retenir la responsabilité d’un annonceur, mais elle exige pour cela que le risque de confusion soit démontré.

En effet, selon la Haute juridiction, le démarchage de la clientèle d’autrui est licite s’il n’est pas accompagné d’un acte déloyal[7] : « Le seul achat de la marque d’autrui comme mot clé, sans reprise de la marque dans le texte de l’annonce, ne constitue ni une contrefaçon de marque, ni un acte de concurrence déloyale ou parasitaire, dès lors que cet achat n’est pas accompagné d’un acte déloyal »[8].

La responsabilité d’un annonceur internet utilisant une marque dont un tiers est titulaire « dans la vie des affaires »[9] pourra donc être retenue dans certaines hypothèses, lorsque le détournement déloyal de clientèle est caractérisé.

La cour considère que les liens commerciaux qui apparaissent suite à la saisie d’une marque doivent être suffisamment précis pour qu’un internaute moyen confonde les deux entreprises[10].

Dans une affaire, une société reprochait à une seconde d’utiliser la marque renommée, pour laquelle elle bénéficiait d’une licence exclusive pour « détourner les internautes et porter atteinte à la renommée de la marque, entrainant sa dilution »[11].

Si les juges ont rejeté cette demande, la preuve de la titularité de la licence n’étant pas démontrée, ils en ont profité pour rappeler que l’usage d’une marque, même renommée, à titre de mot clé dans le service de référencement Google était admis, dès lors qu’il n’y avait pas de risque de confusion possible dans l’esprit du public, notamment sur l’existence d’un lien commercial entre les parties.

Dans l’arrêt précité du 25 septembre 2012 de la cour de cassation, celle-ci a jugé que les annonces classées sous la rubrique « liens commerciaux » dès lors qu’elles sont nettement séparées du résultat naturel, c’est-à-dire ceux qui sont gratuits, et qu’elles sont suffisamment précises, elles sont de nature à permettre à un internaute moyen de savoir que les produits ou services visés ne proviennent pas du titulaire de la marque.

Il apparaît à la lecture de ce panorama jurisprudentiel que le droit exclusif du titulaire d’une marque subi la volonté des juges de favoriser une économie de la concurrence.

En conclusion, l’usage d’une marque dans les mots clés semble donc autorisé.

Quant à la présence de la marque dans une annonce, elle est également possible selon certaines conditions.

Les annonceurs peuvent faire référence à une marque dans leur texte d’annonce s’ils y ont été autorisés. Pour cela, le propriétaire de la marque doit avoir envoyé le formulaire prévu pour autoriser le compte spécifique d’un annonceur à utiliser une marque donnée.

Le texte d’une annonce peut contenir un terme faisant référence à une marque si l’une des conditions suivantes est respectée :

  • Le texte de l’annonce utilise le terme de façon descriptive dans son sens courant, sans faire référence à la marque en elle-même.
  • L’annonce ne fait pas référence aux biens ou services associés à la marque[12].

Il y aura atteinte à la marque dans deux hypothèses : si l’annonce suggère l’existence d’un lien économique entre le tiers et le titulaire de la marque ou lorsque l’annonce reste à tel point vague sur l’origine des produits ou des services en cause que l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif n’est pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message commercial qui y est joint, si l’annonceur est un tiers par rapport au titulaire de la marque, ou bien au contraire, économiquement lié à celui-ci.

Par conséquent, sauf à démontrer une captation déloyale de la clientèle du titulaire d’une marque par l’utilisation de celle-ci dans son annonce (ce qui n’est quand même pas rare), la responsabilité d’un annonceur ne devrait pas être retenue en l’état.

Mots clés: Google Ads, Marques, Noms de commune, Plateforme numérique, Publicité

Caroline SIMON-PROVO pour ATurquoise

[1] TGI Paris, 3ème chambre, 3ème section, 12 juillet 2006

[2] Etude Ifop : Utilisation des moteurs de recherche en France et perception des annonces Google Adwords

[3] CJUE, 18 juin 2009, C-487/07

[4] CJUE, 8 juillet 20110, C-558/08 , Portakabin/Primakabin

[5] Arrêt CJUE, Grande Chambre, 23 mars 2010, affaires jointes C-236/08 à C-238/08

[6] TGI Nanterre 6 septembre 2012 Eurochallenges

[7] Cour de cassation, Com, 29 janvier 2013, 11-21.011 et 11-24.713, Solutions ct/ Google

[8] Cour d’appel d’Aix en Provence, 2ème chambre, 3 avril 2014

[9] Cour de cassation, Com, 13 juillet 2010, n°06-20230 ; 06-15136 et 05-14331

[10] Cour de cassation, Com, 25 septembre 2012, 11-18.110

[11] TGI Paris, 5 mars 2015

[12] https://support.google.com/adwordspolicy/answer/6118?hl=fr