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Juin 13

La liberté d’expression du salarié sur les réseaux sociaux

Twitter, Facebook, LinkedIn : les réseaux sociaux sont désormais partout, et occupent une place de plus en plus importante au travail.

Ainsi, selon une étude de l’agence « Parlons RH », 1 salarié sur 3 communique des informations liées à son entreprise sur les réseaux sociaux.[1] De plus, c’est toute une nouvelle génération, qui a grandi avec les réseaux sociaux, qui entre désormais sur le marché du travail, et vient amener leur utilisation au centre de l’entreprise.

Lorsqu’il s’agit de liberté d’expression, les réseaux sociaux donnent une voix d’autant plus importante au salarié qu’elle est instantanée et largement accessible. Mais de quels droits disposent le salarié sur les réseaux sociaux dans sa liberté d’expression vis-à-vis de son entreprise ou de son employeur ?

Comme tout citoyen, le principe reste la liberté d’expression du salarié, affirmé par l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ou 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. L’article 1er de la loi de 1986 relative à la liberté de communication transpose cette liberté aux communications électroniques dont Internet fait partie : « la communication au public par voie électronique est libre ».

Cependant, si le salarié peut librement exprimer ses opinions sur son entreprise, c’est dans la limite d’un éventuel abus, comme une diffamation, une injure, un dénigrement, une atteinte à la vie privée, ou s’il était amené à révéler un secret professionnel de l’entreprise par exemple. De même, la liberté d’expression du salarié est limitée, comme celle de tout citoyen, lorsque les propos constituent une incitation à la haine raciale, ethnique ou religieuse, une apologie de crimes de guerres, des propos discriminatoires ou négationnistes, etc.

Concernant plus particulièrement les réseaux sociaux, il n’y a pas de règles particulières dans les textes de lois, et c’est donc la jurisprudence qui est venue encadrer la liberté d’expression des salariés. Ainsi, concernant Facebook, tout va dépendre des paramètres de confidentialité que le salarié a choisis. Si les publications litigieuses sont accessibles non seulement aux amis du salarié, mais aussi aux amis de ses amis, alors les juges ont considéré que les propos ne relevaient pas de la vie privée et pouvaient porter préjudice à l’entreprise. (CPH Boulogne-Billancourt, 19 nov. 2010, n° 09-00.343)

A l’inverse, la Cour de cassation a pu considérer qu’un salarié ayant tenu des propos envers son employeur sur son profil Facebook, n’avait pas commis de délit d’injure publique, puisque le post n’était accessible qu’à ses contacts, « en nombre très restreint, formant ainsi une communauté d’intérêts » (Cass. Soc. 10 avril 2013 n°11.19-530). Cependant, une infraction d’injure non publique, passible d’une contravention, peut toujours être constituée dans ce cas.

Dans un arrêt récent enfin, du 6 mai 2015, la Chambre Sociale est venue rappeler que l’exercice de la liberté d’expression des salariés en dehors de l’entreprise ne peut justifier un licenciement que s’il dégénère en abus. En l’espèce, un salarié avait été licencié pour faute grave pour avoir contesté le licenciement d’un de ses collègues sur Facebook. La Cour de cassation a ici fait prévaloir la liberté d’expression du salarié, d’autant plus que les propos n’étaient ni dénigrants ni injurieux pour l’entreprise ou l’employeur. (Cour de Cassation, chambre sociale, du 6 mai 2015, n° 14-10781)

Cependant, la jurisprudence a tendance à considérer Facebook, et plus largement les réseaux sociaux, d’avantage comme un espace public que privé.[2] Il devient donc essentiel d’encadrer avec précaution les paramètres de confidentialité de ses comptes sur les réseaux sociaux, car les conséquences juridiques qui s’y attachent sont désormais importantes pour le salarié, comme pour tout citoyen.

Maxime Gazeau & @ATurquoise

Elève-Avocat

[1] http://www.reputationvip.com/fr/blog/reseaux-sociaux-1-salarie-sur-3-communique-des-informations-liees-a-son-entreprise

[2] http://drh-sorbonne.fr/wp-content/uploads/2012/10/SSLamy.22-avril2013.Publi%C3%A9.pdf