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Avr 20

REBOND DE L’INDUSTRIE MUSICALE : YOUTUBE AU CENTRE DES ATTENTES DES AYANTS-DROITS

Le rapport de l’IFPI 2016 montre un rebond de l’industrie musicale pour la première fois depuis 20 ans, poussée par le streaming. Pourtant, des acteurs comme YouTube ne participeraient pas assez à cette évolution.

Selon le rapport annuel de l’IFPI (Fédération internationale de l’industrie phonographique) publié le 12 avril 2016[1], l’industrie musicale a généré des revenus de 15 milliards de dollars en 2015, et n’avait pas connu un tel essor depuis 20 ans. Les ventes numériques dépassent désormais les ventes physiques, et le streaming est sur le point de devenir la première source de revenu. C’est ainsi déjà le cas aux Etats-Unis, où les derniers chiffres de la Recording Industry Association of America démontrent que le streaming payant a plus rapporté l’année dernière que les téléchargements ou les ventes physiques. Ainsi, pour la première fois, le streaming musical passe devant les téléchargements aux Etats-Unis.[2]

Dans le même temps, le rapport de l’IFPI pointe du doigt YouTube, qui ne redistribuerait pas équitablement aux ayants-droits les revenus issus du streaming. Ainsi, en France par exemple, YouTube représente à lui seul 65% des 50 milliards de morceaux streamés en 2015. Pourtant, la plateforme ne génère que 10% des 104 millions de chiffre d’affaire liés au streaming en 2015, ce que les ayant-droits souhaitent dénoncer. Les 90% restants proviennent d’autres plateformes comme Deezer ou Spotify, qui redistribuent eux 70% de leurs revenus aux labels.

Selon une étude récente du Journal « Les Jours », les principales raisons de cette distorsion reposent sur le fait que les droits demeurent « non déposés, mal réclamés ou sous-déclarés » pour près de la moitié des vidéos musicales mises en ligne sur YouTube. Ce problème tient notamment à la procédure de déclaration des droits mise en place par la plateforme (complexité de la procédure, absence de rétroactivité de la déclaration, titularité des droits, etc).[3] Cette absence de revendication des droits va ainsi créer une manne financière importante pour YouTube, au détriment des ayants-droits.

De surcroît, le statut d’hébergeur reconnu à Youtube par la loi est très avantageux, puisqu’il ne lui confère pas le même degré de responsabilité qu’un éditeur de contenu par exemple (article 6 de la LCEN). Réaffirmé à plusieurs reprises par les tribunaux, ce statut d’hébergeur ne semble pourtant plus adapté aux évolutions récentes de la plateforme, en particulier en raison de sa gestion du contenu éditorial. Ainsi, les Sociétés de Gestion Collective notamment poussent à reconnaitre YouTube non comme un hébergeur mais comme un éditeur de contenu, ou comme un diffuseur d’un nouveau genre. De même, le rapport de l’IFPI demande aux instances Européennes une modification du régime juridique des services de partage de contenus qui distribuent de la musique tels que YouTube. En France, le SNEP espère également des initiatives européennes début juin à l’occasion du MIDEM, où la Commission a promis d’être présente.[4] Déjà, le commissaire européen au numérique, Andrus Ansip, vient de demander publiquement à YouTube de mieux rémunérer les ayants-droits et serait entrain de travailler sur une réforme de cette question au niveau Européen.[5]

Dès lors, il semble inévitable pour Youtube de réformer son fonctionnement interne, afin de faciliter la rémunération des ayants droits, mais aussi de voir réformer son statut externe, afin de ne pas se conforter dans une situation de distorsion de concurrences par rapport aux autres plateformes de streaming comme Deezer ou Spotify.

 

Maxime Gazeau

Elève-Avocat

 

[1]http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/04/12/les-majors-croient-en-un-nouvel-age-d-or-de-la-musique_4900700_3234.html

[2] http://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/021791721145-le-streaming-musical-devient-dominant-aux-etats-unis-1209247.php

[3] http://www.arretsurimages.net/breves/2016-04-11/Youtube-des-miettes-reversees-pour-la-musique-Les-Jours-id19788

[4] http://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/021751712997-youtube-accuse-par-les-labels-de-ne-pas-jouer-le-jeu-dans-le-streaming-1205551.php

[5] http://www.challenges.fr/challenges-soir/20160418.CHA8035/streaming-musical-la-commission-europeenne-fait-la-guerre-a-youtube.html