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Nov 09

Rôle de Twitter dans les élections américaines : cadre de la règlementation

Conscient de son impact, Twitter semble avoir pris le parti d’adopter un rôle plus actif pour contrer la diffusion massive des « fake news » sur les réseaux.

En 2016, Twitter, à l’instar d’autres réseaux, fut l’objet de critiques nourries s’agissant de son impact sur la campagne présidentielle américaine : encouragés à promouvoir les clics, ses algorithmes favorisent les contenus polémiques et en particulier la désinformation. Dans le cadre des présentes élections américaines, le réseau social semble souhaiter se prémunir de reproches futurs.

Voilà ce qui s’affiche désormais préalablement à la consultation d’un tweet de Donald Trump contenant des informations incontestablement fausses ou prématurées, telles que l’annonce, le 6 novembre, de sa victoire d’une élection présidentielle toujours en cours :

« Une partie ou la totalité du contenu partagé dans ce Tweet est contestée et susceptible d’être trompeuse quant au mode de participation à une élection ou à un autre processus civique. »

Twitter s’est réservé le droit d’afficher un tel message en vertu de ses Conditions générales d’utilisation, mises à jour en Octobre 2020, qui précisent qu’« Il est interdit d’utiliser les services de Twitter dans le but de manipuler des élections ou d’interférer dans des élections ou d’autres processus civiques », et que tout message en ce sens sera masqué ou supprimé.

Ces stipulations apparaissent conformes à la section 290 de la loi fédérale Américaine sur la Décence des Communications (Communication Decency Act, 1996), qui garantit une immunité à Twitter, en tant que prestataire de services interactifs, lorsqu’il supprime ou modère de bonne foi (« in good faith ») un contenu polémique, que ce contenu soit ou non protégé constitutionnellement.

En France, Twitter possède, en vertu de l’article VI de la LCEN, la qualité d’ « hébergeur » (par opposition à celle d’« éditeur ») en ce qu’il se contente de référencer les contenus produits par ses utilisateurs, sans participer à leur création et sans les modifier.

Il dispose à ce titre d’une irresponsabilité civile quant aux contenus publiés, tant qu’il n’a pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite, et dans la mesure où il « agit promptement » pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible dès qu’il en connaît l’illicéité.

La loi Avia, substantiellement censurée par le Conseil Constitutionnel, avait vocation à régir et réduire les délais d’action des hébergeurs à cet égard.

Le droit français n’oblige pas à supprimer les « fake news », dans la mesure où elles n’apparaissent pas « manifestement illégales ». La réaction de Twitter découle ainsi au minimum d’une auto-régulation, qui apparaît souhaitable au regard de la difficulté à légiférer sur ces questions épineuses, et de la nécessité d’impliquer les responsabilités pour se préserver de dommages dont l’ampleur peut être considérable.

Par Eva Baliner-Poggi et l’équipe IP/IT

Source : France 24
Lien : https://www.france24.com/fr/amériques/20201104-twitter-modère-un-message-de-donald-trump-accusant-les-démocrates-de-voler-l-élection