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Nov 17

Confidentialité des communications : la Cour de Cassation précise les contours du principe, excluant l’application du « legal privilege » américain en droit français

C’est une décision importante que la Cour de Cassation a rendu le 3 novembre dernier, qui peut avoir un impact durable sur les communications entre juristes d’entreprises françaises et américaines, et Cabinets d’avocats.

Dans cet arrêt, la Cour s’est penchée sur la question de l’application du privilège de confidentialité du droit américain (« legal privilege ») et celle plus générale de la confidentialité des correspondances entre avocats. (Cass. civ. 1, 3 novembre 2016, n° 15-20.495, F-P+B)

Pour rappel, le droit français pose comme principe que les correspondances entre avocats et celles avec leurs clients sont couvertes par le secret professionnel. Cependant, à l’inverse des États-Unis, ce principe ne couvre pas les communications entre juristes non avocats.

Aux États-Unis, c’est bien une interprétation « in rem » qui est opérée, et non « in personam », conférant ainsi la confidentialité aux communications selon leur contenu. Ainsi, le « legal privilege » couvre donc des communications qui sont confidentiels par leur objet, pouvant comprendre des échanges entre juristes d’entreprises, sur des avis juridiques par exemple.

Dans son arrêt du 3 novembre 2016, la Cour de cassation a donné des précisions quant à l’application de ces deux principes :

-S’agissant des communications entre juristes français et américain, ils ne sont pas couverts par le principe du « legal privilege ». Un juge peut donc ordonner leur communication à l’aune du droit français.

-D’autre part, si un avocat est uniquement en copie d’une communication, la confidentialité des correspondances ne trouve pas à s’appliquer.

En l’espèce, une entreprise américaine refusait la communication à une entreprise française de certains documents échangés entre leurs juristes, documents qu’elle considérait comme couvert par le droit américain du « legal privilege ». Le juge français ordonne pourtant la communication des documents que l’entreprise américaine avait mis sous séquestre, excluant ainsi l’application du privilège de confidentialité.

D’autre part, la Cour considère que les correspondances adressées pour information en copie à un avocat ne sont pas couvertes par le secret professionnel et le principe de confidentialité des correspondances, tel qu’affirmé par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.

S’il est aujourd’hui difficile de cerner précisément les contours et les conséquences de cet arrêt, plusieurs précautions peuvent d’ores et déjà s’imposer quant aux communications avec des entreprises et Cabinets d’avocats étrangers. Ainsi, pour préserver la confidentialité des communications, il est nécessaire de mettre un avocat en destinataire direct de cette communication, afin de la voir couvrir par le secret professionnel. Enfin, toutes communications entre juristes français et américain, mais aussi étrangers, doivent être appréciées avec une grande précaution, car elles ne sont pas systématiquement couvertes par le « legal privilege ».

Par cet arrêt, la Cour vient notamment renforcer le pouvoir des avocats, au détriment de celui des juristes. Ces mêmes juristes qui n’ont pas réussi à se voir reconnaitre l’équivalent en droit français du « legal privilege », finalement éludé de la loi Sapin 2 du 8 novembre 2016.

 

Maxime Gazeau et Équipe A Turquoise