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Mar 02

Procédure civile – Pas d’interruption de la prescription pour la demande reconventionnelle implicite ou ambiguë

Le 1er février 2018, la Cour de cassation a précisé une condition de forme nécessaire pour retenir la qualification de « demande reconventionnelle ».

Dans une décision du 1er février dernier, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a précisé les conditions de forme dans lesquelles une demande reconventionnelle peut efficacement interrompre la prescription.

En l’espèce, suite à l’absence de reconduction du contrat liant leurs entreprises, un demandeur (la société L.)  avait obtenu la condamnation de son cocontractant (la société F.) au paiement de sommes d’argent. Reprochant au tribunal de grande instance de Colmar, saisi en référé, et aux décisions antérieures d’avoir jugé prescrite une demande en paiement de commissions qu’elle prétendait avoir formé contre le demandeur, le défendeur avait alors formé un pourvoi en cassation.

Dans son arrêt du 1er février 2018, la Cour de cassation déboute l’appelant, apportant par la même occasion des précisions sur les conditions de forme nécessaires pour qu’une demande reconventionnelle interrompe pleinement la prescription.

En effet, après avoir rappelé que seule la demande par laquelle une partie prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire est de nature à interrompre la prescription, la Cour de cassation considère que les juges du fond ont souverainement estimé que l’appelant n’avait à aucun moment réclamé le paiement de la commission « se contentant de demander de ‘’constater que le compte client L. chez F. s’élève à 828.196,71 euros’’ sans cependant solliciter une condamnation à paiement ou une compensation ». Partant, n’ayant pas « réclamé expressément de compensation », les juges de cassation en concluent que leurs homologues du fond en avaient justement déduit que l’appelant n’avait pas formé de demande reconventionnelle devant le tribunal, de telle sorte que le délai de prescription des créances des commissions n’avait pas été interrompu.

Cet arrêt de la deuxième chambre civile alerte donc sur l’importance de qualifier expressément une demande comme étant « reconventionnelle », par le biais d’une formulation explicite. A défaut, toute formulation ambiguë ou implicite est donc soumise à l’interprétation des juges du fond, au risque que ceux-ci retiennent une autre qualification.

Salomé Ricordel pour ATURQUOISE

Source : Cour de cassation, deuxième chambre civile, 1er février 2018, n°17-14.664, disponible sur le lien suivant : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036635524&fastReqId=1267675455&fastPos=5

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