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Avr 03

Droit social – Écartement autorisé des certificats de détachement obtenus frauduleusement

Dans une décision n°C-359/16 du 6 février 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a apporté des précisions en matière de travail dissimulé et de contournement des règles de sécurité sociale des travailleurs détachés.

Dans cette affaire, une société de construction belge avait sous-traité ses chantiers à des entreprises bulgares détachant des travailleurs en Belgique. Après enquête, il avait été établit qu’en vertu de certificats A1 (anciennement « certificats E101 ») délivrés par les autorités bulgares, ces travailleurs détachés n’étaient pas déclarés auprès de l’organisme belge percevant les cotisations de sécurité sociale, et demeuraient affiliés à l’organisme de sécurité sociale bulgare.

Les autorités belges avaient alors poursuivi les sociétés belges et bulgares pour avoir fait ou laissé travailler des ressortissants étrangers non admis ou autorisés à séjourner sur le territoire belge plus de trois mois ou à s’y établir sans autorisation de travail ;  et pour ne pas avoir déclaré ces travailleurs auprès de l’organisme de sécurité sociale de Belgique.

A cette occasion, la Cour de justice de l’Union européenne avait été saisie d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 14.1.a du règlement 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté , et de l’article 11 du règlement no 574/72 remplacé par 5 du règlement no 987/2009 relatif à la détermination de la législation applicable.

Plus exactement, la Cour était saisie de la question de savoir si les autorités belges pouvaient valablement écarter les certificats de détachement A1 obtenus frauduleusement pour réclamer la perception des cotisations sociales dues par les entreprises bulgares et belges en raison des prestations fournies par les travailleurs détachés.

Le 6 février 2018, la Cour de justice a répondu à l’affirmative à cette question en se fondant sur les principes européens de coopération loyale et de confiance mutuelle entre les Etats membres.

Lors l’examen de la législation applicable aux travailleurs détachés, les institutions de sécurité sociale des différents Etats membres sont ainsi autorisés à écarter les certificats de détachements frauduleux « lorsque l’institution compétente de l’État membre dans lequel le travailleur effectue un travail émet des doutes quant à l’exactitude des faits qui sont à la base dudit certificat et, partant, des mentions qui y figurent, notamment parce que celles-ci ne correspondent pas aux exigences de l’article 14, point 1, sous a), du règlement no 1408/71 ».

Dans cette décision, la Cour rappelle également les deux éléments constitutifs de la fraude afférente à la remise de certificats de détachement frauduleux :

  • La non-réalisation des conditions requises aux fins de l’obtention et de l’invocation d’un certificat de détachement prévues au titre II du règlement no 1408/71 et rappelées au point 34 ;
  • Et l’intention des intéressés de contourner ou d’éluder les conditions de délivrance dudit certificat, en vue d’obtenir l’avantage qui y est attaché.

Salomé Ricordel pour ATURQUOISE

Source : http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&td=ALL&num=C-359/16